Ainé, cadet ou benjamin, comment notre rang dans la fratrie jour sur notre personnalité ?
Notre en première, en deuxième... ou dernière position n'est pas neutre selon la thérapeute Nicole Prieur. Notre rang dans la famille influence notre façon d'être, comme notre capacité à avancer dans la vie. Décryptage avec notre spécialiste.
LA PLACE OCCUPÉE DANS LA FAMILLE JOUE-T-ELLE UN RÔLE DÉTERMINANT ?
Les parents apprennent leur métier avec le premier né et sont bien plus détendus avec les suivants. C’est aussi très différent d’être l’ainé - un temps l'enfant unique - et le petit dernier d’une grande fratrie. Le vécu de chaque enfant est singulier. À ce titre, le rang dans la famille contribue à modeler sa personnalité. Toutefois, plusieurs facteurs viennent tempérer cette influence. C’est le cas du sexe de l’enfant : un fils ou une fille n’occupe pas la même place psychiquement. Le moment de la naissance dans l’histoire familiale ou encore la propre histoire des parents joue également. N’oublions pas en outre que, si notre rang dans la fratrie nous conditionne, rien n’est figé dans la vie, nous avons une marge de liberté pour évoluer.
QUE PEUT-ON DIRE DE L’AINÉ ?
C’est le premier enfant, souvent idéalisé par ses parents. Il porte leur désir de perfection, c’est à travers ses progrès qu’ils vont se rassurer sur leurs capacités parentales. Beaucoup d’attentes pèsent sur ses épaules. L’ainé se sent souvent obligé de réussir. Il a d’ailleurs généralement de meilleurs résultats scolaires.* On lui demande aussi de montrer l’exemple, c’est l’enfant raisonnable de la fratrie, celui sur lequel on peut compter. En conséquence, l’ainé développe souvent un sens des responsabilités plus marqué, il a une personnalité rigoureuse et fait preuve d’une grande loyauté envers ses parents. Il accompagne ses frères et sœurs et peut cultiver un fort sentiment de solidarité familiale et une autorité fraternelle qui perdurent à l’âge adulte. Mais c’est aussi l’enfant unique qui a peur de perdre sa place avec l’arrivée du second. Une peur inconsciente qui peut perdurer à l’âge adulte, l’ainé peut ainsi se montrer très attaché aux choses.
UN RÔLE UN PEU PESANT ?
L’ainé a beaucoup d’atouts pour réussir, il est audacieux et ambitieux. Mais il peut avoir l’impression de n’être jamais à la hauteur de ce qu’on lui demande. Si cette quête de succès devient anxiogène, il gagnera à s’émanciper des attentes qui pèsent sur lui et à renoncer à son désir de perfection. En acceptant de décevoir ses parents, il apprendra à s’écouter davantage.
LE SECOND A-T-IL PLUS DE LIBERTÉ ?
Le cadet subit moins de pression, il échappe aux injonctions de ses parents. Il peut davantage se permettre d’être lui-même, plus créatif et désinvolte. Il est aussi celui qui développe le plus d’intelligence relationnelle car il doit conquérir sa place au sein de la famille. Courroie de transmission entre ses frères et sœurs, il apprend à composer et peut exceller dans les jeux d’alliances. C’est un bon négociateur et un pacificateur. Mais il peut aussi avoir le sentiment d’être toujours à la traîne, de ne jamais pouvoir faire la même chose que son ainé. Un sentiment de manque qui l’incite à la comparaison et le fragilise. Son vrai défi consiste à s’imposer face à un premier né souvent dominant, potentiellement jaloux de sa venue. Le cadet ne se sent pas toujours légitime, il tend à se construire à l’ombre du grand d’où le risque plus tard, d’être davantage dans l’admiration que la confrontation avec les figures d’autorité. Il est important pour lui d’apprendre à se situer et à s’affirmer vis-à-vis des autres afin de gagner en assurance personnelle.
ET LE BENJAMIN OU LE PETIT DERNIER ?
Il profite du relâchement de l’autorité parentale et bénéficie des conquêtes de liberté remportées par ses frères et sœurs avant lui. Plus libre, il peut expérimenter plus facilement ce qui l’intéresse, tout en profitant des expériences vécues par les plus grands. S’il suit ses ainés, il mûrit assez vite et fait preuve de débrouillardise. Mais il peut aussi être surprotégé par sa mère, dont il est le dernier « petit », comme par ses frères et sœurs qui le chouchoutent et le maintiennent dans un statut de « bébé ». S’il est trop couvé, le benjamin aura plus de mal à devenir autonome et quitter la réassurance du nid familial. C’est d’autant plus vrai, s’il se retrouve seul avec ses parents. Rattrapé par un sentiment de loyauté, il éprouvera plus de difficultés à les « abandonner ».
* Plusieurs études concluent que les ainés réussissent mieux et auraient un QI légèrement plus élevé que les suivants.
Sources : Older Siblings Have Higher IQs – June 22 issue of thejournal Science – The Early Origins of Birth Order Differences in Children’sOutcomes and Parental Behavior – The Journal of Human ResourcesNovember 02, 2016, 0816-8177